Par David Ford Johnson
Cet article vous est proposé par David Ford-Johnson, directeur d'Arborescence.
Où se termine la responsabilité individuelle et où commence la responsabilité collective ?
Bien que cette question ait souvent été posée et débattue dans le contexte économique et politique libéral, elle est moins fréquemment abordée en ce qui concerne la santé mentale au travail. Même si la santé mentale au travail est une préoccupation croissante, dont on parle de plus en plus, on a tendance à mettre de côté l’aspect collectif de la discussion. Plus précisément, on néglige la notion de l'interconnectivité émotionnelle entre les individus et l’impact que cela peut avoir sur la santé mentale. Dans cet article, nous explorerons le sujet d'interconnectivité émotionnelle et surtout l’importance que celle-ci a dans une démarche visant le bien-être au travail.
Interconnectivité émotionnelle
La santé mentale ne se limite pas à l'individu lui-même, mais elle a également un impact significatif sur son environnement et sur les personnes qui l'entourent, que ce soit à la maison, avec des amis ou au travail. Ce phénomène peut être comparé à des vases communicants, où la santé mentale d'une personne influence celle de son entourage, et vice versa. De plus, ce phénomène est d'autant plus marqué lorsque les liens entre les individus sont significatifs. La science nous offre une perspective intéressante sur cette notion de contagion émotionnelle, grâce à la présence de neurones miroirs dans le cerveau. Ces neurones sont responsables de l'imitation des actions et des émotions d'autrui, permettant à l'observateur de vivre à moindre échelle l'expérience émotionnelle des personnes de son entourage. On ne parle pas ici de la compréhension rationnelle de ce que vit l’autre. On “sent” ce que vivent les autres, on ne le “comprend” pas.
Allons plus loin. Non seulement on sent ce que vivent les autres, mais nos interactions avec notre entourage professionnel peuvent nous “déclencher” émotionnellement. C’est quoi un déclencheur émotionnel ? Les déclencheurs émotionnels sont des situations, comportements ou paroles (à l’extérieur de nous) qui viennent réactiver en nous certains éléments de notre histoire de vie et qui suscitent des réponses émotionnelles en nous. Ces déclencheurs (extérieurs) peuvent être positifs, négatifs ou neutres, tandis que les réponses émotionnelles (internes) qui en découlent peuvent être positives ou négatives. C’est une histoire de cause à effet.
Pourquoi est-ce important ?
Parce que nous ne sommes pas inextricablement prisonniers de cette chaîne cause à effet (déclencheur externe - réaction émotionnelle interne). Tout le contraire. Nous pouvons reprendre le pouvoir sur notre expérience émotionnelle et arrêter de “subir” les réactions émotionnelles découlant de nos déclencheurs extérieurs. Plus on prend conscience de comment nos émotions fonctionnent (et leurs interactions avec les autres), plus on ouvre véritablement la voie vers le bien-être au travail. Mais comment faire ?
Comprendre nos déclencheurs émotionnels au travail est essentiel pour préserver notre santé mentale pour plusieurs raisons : cela nous permet d'identifier les situations ou les interactions qui peuvent nous affecter négativement et de mettre en place des stratégies pour mieux gérer nos émotions quand cela nous arrive. Il peut s'agir de pratiquer des techniques de régulation des émotions/du stress, d’améliorer nos compétences communicationnelles, ou de créer des espaces de soutien pour exprimer nos émotions de manière constructive*.
De même, comprendre que nous pouvons “déclencher” émotionnellement un collègue est tout aussi important pour sa santé mentale à lui/elle, et pour notre santé mentale à nous. Cette prise de conscience de notre influence émotionnelle sur nos collègues nous pousse à adopter des comportements et des attitudes qui favorisent le bien-être mental de tout le monde. En reconnaissant l'importance de cette interconnectivité émotionnelle, nous pouvons travailler ensemble pour créer un environnement de travail sain et soutenant tant pour les individus que pour la collectivité.
Sources :
- https://greatergood.berkeley.edu/article/item/do_mirror_neurons_give_empathy
- Réflexion sur les déclencheurs inspirée de Colette Portelance dans son ouvrage Relation d’aide et amour de soi. Publié en 2015 à Montréal, Québec. Éditions du CRAM.
*Inspiré de l’approche clinique d’Arborescence en milieu de travail
